Chapitre 17 - De l'Université
You didn’t come this far to stop


L’Université est une institution d’enseignement supérieur ; elle joue un rôle prépondérant dans la qualification du capital humain, dans la recherche et dans le développement sur tous les plans. Les problèmes de l’Université camerounaise, auquel des solutions politiques doivent être trouvées, sont liés à la difficile réalisation de ses missions et à sa gouvernance.
Thème 1- Les missions de l’Université
Au Cameroun, plusieurs missions sont assignées à l’Université, dont les principales sont : la recherche et l’enseignement.
Sous-thème 1 - La Recherche universitaire
La recherche universitaire est l’ensemble des actions entreprises en vue de produire et de développer les connaissances scientifiques. Seulement, la recherche universitaire connait des problèmes auxquels il faut trouver des solutions.
Les problèmes
Nul ne peut contester le fait que les universitaires camerounais font de la recherche scientifique. Ils font des publications visibles dans les revues scientifiques les plus prestigieuses au niveau international. À travers le monde, les universitaires camerounais sont connus et reconnus pour leurs activités de recherches. Mais, il s’agit très souvent des activités de recherches, menées sans l’Université camerounaise, pour laquelle ils sont censés travailler. Les enseignants-chercheurs des universités camerounaises travaillent très souvent en collaboration avec des laboratoires des universités étrangères. Ils s’inscrivent alors dans des programmes de recherches conçus à l’étranger, sans prise en compte des besoins camerounais en matière de recherches. Très, souvent, ni l’Université camerounaise, ni le Cameroun ne bénéficie de ces travaux de recherches. Tout ceci s’explique par le fait que l’Université camerounais n’offre pas à ses chercheurs un cadre de travail satisfaisant. Par ailleurs, des programmes de recherches n’existent quasiment pas au sein des universités, où les dirigeants sont plus préoccupés par la gestion administrative des institutions universitaires dont ils ont la charge.
Les solutions
Du diagnostic fait des problèmes de la recherche universitaire au Cameroun, se dégagent naturellement les solutions. Les universités camerounaises se doivent d’instituer en leur sein, des programmes de recherches sur les problèmes du Cameroun. Ces recherches doivent être menées au sein des laboratoires construits et bien équipés dans nos universités, avec des bibliothèques constamment mises à jour, s’agissant des ouvrages et de revues scientifiques. Les recherches doivent être orientées vers les problèmes du Cameroun, afin d’y trouver des solutions, allant dans le sens du développement et le bien-être des camerounais. On comprend alors que la recherche ne doit pas se limiter à celle qui est fondamentale, c’est-à-dire une recherche visant seulement à produire de nouvelles connaissances théoriques, indépendamment des perspectives d’application. La recherche doit essentiellement viser des objectifs d’utilité pratique.
L’Université camerounaise ne saurait vivre en vase clos. Elle doit pouvoir sortir de son carcan pour expliquer à la société en quoi elle peut lui être utile. L’Université doit pouvoir aller vers les entreprises, publiques ou privées, pour leur présenter des produits et services nouveaux, découverts dans le cadre des recherches effectuées. Les universités doivent aller vers les acteurs sociaux pour leur faire part des dysfonctionnements descellés et des améliorations possibles des systèmes sociaux, au bénéfice des populations. Les universités doivent être un pôle d’expertises pour tous les problèmes Camerounais.
Dans le cadre de ses activités de recherches, l’Université camerounaise doit s’ouvrir à la collaboration avec les universités étrangères ; on devrait alors voir des enseignants-chercheurs camerounais parcourir le monde à la recherche de nouvelles connaissances à apporter au Cameroun. Des programmes de mobilité des enseignants-chercheurs doivent être pris en charge par les fonds publics.
La recherche dans les universités ne doit pas être financée uniquement sur par des fonds publics. Les universités doivent penser à leur indépendance financière en faisant des recherches au profit des organisations et des entreprises privées ; celles-ci se chargeront de financer elles-mêmes les recherches demandées aux universités. Des accords pourront alors être passés entre les universités et les entreprises privées commanditaires des recherches, pour l’usage et le bénéfice des fruits issus des recherches effectuées.
Sous-thème 2 – L’Enseignement universitaire
L’Enseignement est une des missions de l’Université ; il vise à transmettre aux étudiants, ou à tout autre public, des compétences, en termes de savoir-faire et de savoir-être. Les Enseignants de l’Université se doivent de dispenser des enseignements tirés de ce qu’ils ont appris eux-mêmes lorsqu’ils étaient étudiants, mais aussi de ce qu’ils découvrent comme nouvelles connaissances à travers les recherches qu’ils effectuent. L’Enseignement universitaire connait des problèmes auxquels il faut trouver des solutions.
Problèmes
Les problèmes déjà diagnostiqués dans le cadre de la recherche se retrouvent lorsque l’on parle de l’enseignement, ou alors y ont de fortes répercussions. On se demande bien comment des étudiants peuvent être formés en matière scientifique dans des universités où il n’y a pas de laboratoire ? La formation dans les universités est essentiellement théorique ; les enseignants dictent des formules chimiques ou mathématiques aux étudiants ; ces derniers se contentent de les réciter pour obtenir le diplôme, sans savoir, quel usage concret on peut faire des formules apprises. Les enseignements sont puisés des vieux ouvrages de la bibliothèque personnelle de l’Enseignant, ou alors tirés des « musées de livres » qui sert de bibliothèques à l’Université. Les connaissances livresques enseignées aux étudiants sont loin d’être actualisées, faute de moyens pour les universités d’acquérir des données récentes, à travers des abonnements dans les revues. Les installations permettant aux uns et aux autres d’avoir accès à l’internet n’existent dans nos universités. Certains Enseignants entreprennent souvent de transmettre à leurs étudiants le fruit de leurs propres recherches, menées de façon isolée ; il s’agit très souvent d’enseignements n’ayant rien à voir avec les réalités camerounaises, puisque, comme il a été vu haut, ils n’existent pas de programmes de recherches propres aux universités camerounaises, toute chose qui aurait permis d’adapter les recherches aux enseignements dispensés. Les connaissances dispensées aux étudiants sont celles pensées et élaborées pour des réalités qui ne sont pas celles du Cameroun. En conséquence de tout ceci, les diplômés sortent de l’Université, aussi ignorant des problèmes du Cameroun qu’ils l’étaient à leur entrée ; ils sont parfois plus abroutis au moment où ils sortent de l’Université, s’ils l’étaient déjà avant d’y entrer. On comprend alors pourquoi, au Cameroun, les diplômés des universités sont incapables de faire face à leurs problèmes personnels, encore moins aux problèmes de leur environnement.
Solutions
Du diagnostic fait des problèmes des enseignements universitaires au Cameroun, se dégagent naturellement les solutions. Pour des enseignements adaptés aux réalités, il faut mettre en place des programmes de recherches au sein de l’Université, d’où sortiront des connaissances utiles au Cameroun. Les moyens financiers doivent être déployés par l’État pour mettre en place des laboratoires et des bibliothèques suffisamment équipés et fournis. On devrait penser à des éditions universitaires des ouvrages pour éditer des livres écrits par des Enseignants camerounais, qui serviront de base pour la formation des étudiants.
Thème 2- Le gouvernance de l’Université
La gouvernance universitaire désigne le cadre dans lequel l’Université poursuit ses buts, ses objectifs et politiques, de manière cohérente et ordonnée. Les problèmes que connait l’Université camerounaise sont en grande partie liés à sa mal gouvernance à laquelle il faut trouver des solutions.
Le problème
Les universités sont simplement des établissements publics, mal gérés comme le sont tous les établissements camerounais de cette nature. Y passent alors, le népotisme, le favoritisme, la corruption, les détournements des fonds et autres biens publics… Les Recteurs nommés, chefs des institutions universitaires, s’investissent plus dans la gestion purement administrative de l’Université ; les activités académiques les intéressent très peu. Très souvent, ces Recteurs se soucis plus de leur confort matériel personnel, au détriment de la satisfaction des besoins de l’Université. On verra ainsi des Recteurs devenus milliardaires e francs cfa quelques temps après avoir été nommés à la direction d'une Université.
Dans les universités, les fonctions administratives, mieux rémunérées, séduisent et attirent plus que les fonctions académiques. Les Enseignants-chercheurs se lancent dans la course vers les postes administratifs, avec l’espoir de s’assurer un confort personnel que l’enseignement et la recherche ne leur procurent pas. En effet, dans les universités camerounaises, il faut être agent ou responsable administratif pour travailler dans un bureau équipé d’une table et d’une chaise. Le simple Enseignant-chercheur n’a rien de cela ; entre deux cours à dispenser, l’Enseignant-chercheur, sans poste administratif, déambule dans le campus ; quand il fait chaud, il va se tenir sous un arbre, pour se protéger du soleil ; c’est parfois à cet endroit qu’il reçoit des étudiants, notamment ceux dont il prétend diriger les recherches. On comprend alors pourquoi, même des Professeurs-titulaires rêvent d’être nommés Chef de bureau, dans les services administratifs.
La politisation de l’Université contribue considérablement à la mauvaise gestion. Les postes administratifs sont attribués aux uns et aux autres, non pas sur le fondement de la compétence technique ou intellectuelle, mais plutôt sur la base des considérations politiques. Le poste administratif reviendra à celui qui aura le mieux chanté des louanges du Chef de l’État ; Tout enseignant qui ose critiquer le régime politique en place, même dans le cadre de ses travaux scientifiques, est traité comme un pestiféré à l’Université. Pour des raisons politiques, un jeune Enseignant, moins gradé, sans expérience professionnelle, peut être nommé à la tête d’un Département ou d’un Etablissement de l’Université, où il devient le supérieur administratif du Professeur le plus ancien dans le grade le plus élevé. Dans la cadre des recrutements des Enseignants, les meilleurs dossiers de candidature sont rejetés, sous le prétexte de leurs opinions politiques ; on préfère alors recruter un candidat ne remplissant même pas les conditions pour être Enseignants, dès lors qu’il fait allégeance au régime politique en place.
Aujourd’hui, à cause de cette mauvaise gouvernance, l’Université camerounaise est moribonde. Les meilleurs Enseignants-chercheurs quittent l’Université camerounaise, pour aller chercher meilleures conditions de travail et de vie dans des universités étrangères, ou dans d’autres secteurs de la vie au Cameroun. Ceux qui restent à l’Université sont plus préoccupés par leurs carrières administratives. On ne cherche à changer de grade académique que pour espérer une nomination importante dans la hiérarchie administrative de l’Université ou ailleurs dans la Fonction publique.
Les solutions
Du diagnostic fait des problèmes de gouvernance universitaire au Cameroun, se dégagent naturellement les solutions. L’Université, dans ses activités doit se limiter à ses missions essentielles, à savoir la recherche et l’enseignement. Le Recteur d’une université doit être exclusivement un Recteur pour des affaires académiques. Ceci signifie que l’Université ne doit plus se mêler des problèmes relatifs au logement des étudiants ou à leur restauration ; il s’agit-là des missions normalement dévolues aux collectivités territoriales décentralisées. Si l’État le désire, il peut créer d’autres institutions, distinctes de l’Université, pour s’occuper des problèmes de logement et de restauration des étudiants.
Une université qui fonctionne a forcément besoin d’une administration d’appui qui l’aide dans l’accomplissement de ses missions de recherche et d’enseignement. La gestion administrative de l’Université doit être confiée à des administrateurs universitaires. Ces derniers s’occuperont alors de l’intendance, des œuvres universitaires, en termes de gestion des biens meubles et immeubles appartenant à l’Université, de la gestion financière. Les administrateurs universitaires seront aussi en charge de la gestion du personnel non-enseignants-chercheurs dans les universités. Les administrateurs universitaires seront nommés sur proposition du Recteur, Chef de l’institution universitaire, élus par ses collègues Enseignants-chercheurs. En effet, si l’on veut sortir l’Université de sa mauvaise gouvernance, il faut bien que les Recteurs ne s’occupent que des affaires académiques ; qu’ils soient éloignés de la gestion des affaires purement administratives et financières. Au sein de l’Université, les Enseignants-chercheurs doivent exclusivement occuper les postes suivants : Recteur, Vice-Recteur, Doyen, Vice-Doyen, Chef d’Etablissement, Adjoint au Chef d’Etablissement, Chef de département, Chef de laboratoire, Directeur des programmes de recherche. Pour amener les Enseignants-chercheurs à ne s’occuper que de l’académie, leur appartenance à l’Université sera incompatible avec l’occupation de tout autre poste dans l’administration publique étatique. En contrepartie de cette restriction, les conditions de travail des Enseignants-chercheurs doivent être améliorées au sein de l’Université. Il ne doit plus être question de voir un Enseignant sans bureau à l’Université. Tout Professeur-titulaire doit avoir un traitement administratif équivalent à celui de Directeur de l’Administration centrale, avec bureau, secrétariat, véhicule et logement de fonction ; le Maitre de conférences, bénéficiera du rang, prérogatives et avantages d’un Directeur-adjoint de l’Administration centrale ; il aura un bureau à l’Université qu’il partage avec, au maximum, un collègue Maitre de conférences. Le chargé de cours aura rang de Chef de service de l’Administration centrale et aura un bureau qu’il partagera avec, au maximum, trois collègues Chargés de cours. L’Assistant aura un bureau qu’il partagera avec, au maximum, cinq autres collègues assistants.
L’accession des Enseignants-chercheurs aux postes de responsabilité académique, tels que définis plus haut, passera par des élections. Ainsi, les Recteurs, les Doyens, les Chefs d’Etablissement, les Chefs de Département, les Chefs de laboratoire, les Directeurs des programmes de recherche, seront tous élus par leurs collègues Enseignants-chercheurs. Une fois élu, le responsable choisit lui-même ses principaux collaborateurs, notamment ses vices ou ses adjoints. Cette formule d’accession aux postes de responsabilité aura le mérite de dépolitiser l’Université ; d’amener les universitaires à être indépendants des hommes politiques dans l’exercice de leurs missions d’enseignement et de recherche.